23 novembre 2007

Eastern Promises

Après le sulfureux « A History of Violence » , David Cronnenberg signe « Eastern Promises », film de gangster plus abouti et d'une densité rare, qui tient à la fois au scénario, à l'ambiance instillée en toile de fond et à l'interprétation magistrale des acteurs.


Le film s'ouvre sur deux morts, le meurtre d'un truand et le décès d'une jeune fille russe sur une table d'accouchement, alors qu'elle vient de donner la vie. La sage-femme en charge, Anne, très affectée par l'événement, elle-même d'origine russe, décide de retrouver la famille du bébé. D'abord motivée par l'indignation et la curiosité, elle se prend rapidement d'affection pour cette petite fille, qu'elle prénomme Christina et qui lui apporte un espoir de bonheur après la fausse couche qui l'a rendue à sa solitude. Armée du journal intime de la défunte et de sa propre détermination, elle entreprend des recherches qui la mènent tout droit face au King de la mafia est-européenne à Londres. Ce vieil homme à l'allure bonhomme de grand-père indulgent la reçoit dans le luxueux hôtel qu'il dirige. Chef d'orchestre en cuisine, où se prépare un banquet de fête familiale, il lui fait goûter son bortsch, « aussi bon que celui de (son) père ». Il lui propose aussi de traduire le journal. Elle ne se méfie d'abord pas. Pourtant l'approche est trompeuse est le King se révèle progressivement menaçant, sordide et impitoyable. Il est trop tard toutefois pour que le monde des truands ne pénètre dans la vie d'Anna et de sa famille.


On retrouve ici un thème déjà présent dans « A History of Violence » : des gens sans histoires (« We are ordinary people ») voit leur vie soudain bouleversée par une rencontre avec un monde qui n'est pas le leur, le monde de violence et de brutalité des truands, en l'occurrence celui de la mafia. Nicolaï, excellemment interprété par Viggo Mortensen, sert de lien entre les deux univers. Personnage double et troublant, il est à la fois le « chauffeur-nettoyeur » de la famille mafieuse , l'homme-objet du Prince, l'agent double et l'amoureux (?). Il incarne la dureté et la froideur de la mafia, mais aussi l'homme juste à travers ses actions dissimulées. Il est celui qui doit faire ses preuves au sein de l'organisation. Charismatique, il maîtrise bien souvent la situation, sourire en coin narquois ; mais on le surprend aussi vulnérable, et traqué.

Comme souvent chez Cronnenberg, la représentation du corps est au centre du film. Le réalisateur développe une symbolique à travers les tatouages de Nicolaï qui racontent sa vie d'ancien mitard russe, et qui sont gravés dans sa peau vierge lors de son acsension : deux étoiles lui donnent le pouvoir et l'emprisonnent. A travers le voyeurisme du Prince contemplant son homme-objet, homme-désir, baisant une fille par-derrière ; à travers enfin la nudité de cette scène paroxysmique de brutalité, où Nicolaï en découd avec deux agresseurs. C'est lui le prédateur, pourtant dans son plus simple appareil.


David Cronnenberg raconte une histoire, dépeint un monde, dans lequel les valeurs morales sont brouillées. Nicolaï est-il un tueur impitoyable, un manipulateur machiavélique et un truand sanguinaire, ou un justicier, un policier infiltré qui tente de rétablir l'équilibre ? Peut-on trouver quelque acte juste dans cet univers où l'illégalité et le meurtre règnent ? Les notions de Bien et de Mal ont-elles un sens quand on est un survivant ? Car l'histoire mise en scène est celle de personnages qui n'ont d'autre alternative que d'échapper à leur destin ou survivre. Nicolaï est un peu Léon, nettoyeur empathique pour lequel on se prend à rêver une vie simple et heureuse. Mais le dénouement, tout en retenue,détourne largement les codes du happy end. L'ancien mitard ne s'attendrit qu'une fois, dans un baiser final hautement symbolique, qui cristallise nos désirs et notre envie de guimauve sans pour autant tout gâcher. La dernière scène enfin entérine la survie de Nicolaï incarnant le nouveau King. Elle boucle ainsi avec le début du film qui donnait à voir la mort de la jeune fille n'ayant plus la force de continuer : "When I was six my father died. He worked in the mines, so when he died he was already buried. We are all buried there, under the soil of Russia."


On pense bien sûr à Kitano et ses yakusa, pour la mise en scène de la violence, sordide et digne, loin de l'entertainment de Tarantino. L'image est crue, brutale, parfois chirurgicale, l'univers est empreint d'honneur et de liens quasi-familiaux. Dans ce monde cynique et dur, il ne sert à rien de se débattre, car il n'y a nul part ou fuir. Les personnages sont condamnés à remplir leur rôle, sans pouvoir maîtriser leur destin, écrit par avance dans l'histoire de l'âme russe. Il n'y a pas d'alternative, il n'y pas de vie rêvée, seulement l'instinct de survie, la perpétuation d'un système, et l'acceptation consciente ou résignée. "Stay alive a little longer."

27 novembre 2006

Casino Royale

Alors que Pierce Brosnan a décidé de quitter le costume de l'agent secret le plus célèbre du cinéma, le nouvel opus des aventures de James Bond, Casino Royale, sort sur grand écran. Une foule monstrueuse se presse devant les salles parisiennes : les critiques plutôt bonnes, le renouveau annoncé y sont sans aucun doute pour quelque chose. Il se murmure qu'après des années de disette, le James Bond nouveau est un grand millésime.

En effet, fini le James Bond super héro, exit les gadgets ridicules tellement ils sont surréalistes, bye bye la froideur de l’homme le plus efficace de Grande Bretagne. Daniel Craig joue un James humain, qui se trompe, qui se blesse et plus fou, qui tombe amoureux. Casino Royale est l’occasion d’assister aux débuts de 007, quand Bond obtient la fameuse « licence to kill ». Autour d’une partie de poker bluffante, entrecoupée de scènes d’action qui tapent justes, le spectateur est face à la première aventure du héro qu’il suit pourtant depuis quarante ans.

Mais le renouveau annoncé n’est pas si flagrant. Rien dans l’attitude de Bond ne diffère vraiment, ni son humour « typically british », ni sa classe naturelle, ni son assurance et sa maîtrise de soi. Plutôt qu’une révolution, Casino Royale est un grand nettoyage. Les artifices surannés sont laissés au placard, on ne s’emmêle plus dans d’inutiles rebondissements, la James Bond Girl, Eva Green, est aussi classe qu’elle est attirante. Et une fois l’univers de l’agent du MI6 bien rangé, on retrouve un très bon scénario, des dialogues de haut niveau et une histoire qui tient en haleine pendant deux heures et demie.

Au final, le dernier épisode de James Bond est très bon, probablement le meilleur depuis une décennie. Cependant, la question de l’interprète reste posée. Sean Connery a créé le personnage et l’a marqué à tout jamais. Pierce Brosnan a rempli parfaitement le costume d’un Bond comme on l’attend et comme on le rêve. Mais Daniel Craig - même si son jeu d’acteur ne peut être mis en cause - est probablement trop blond, a des yeux trop bleus, et une mâchoire trop carrée pour incarner l’agent 007.

25 octobre 2006

Little Miss Sunshine

Richard hates losers. He sees them everywhere and imposes to the others his obligation to win. Maybe because he's so afraid of becoming himself a loser, or even being one of them already. Her wife Sheryl is kind. She may not cook very well (don't have time apparently), she may be intransigent (« This is not happening. »), but still. She has to deal with everyone pains and wishes and that's not so easy. In the end, she just wants everybody to be happy. She's Frank's sister. Frank tried to kill himself because of desperate love and desperate need of fame. He keeps repeating that he's the first Marcel Proust specialist in the United States, but nobody's really listening to him. They put him in Dwain's bedroom, so that he can't try and kill himself again. Dwain doesn't speak because of Nietzsche. He wants to become a pilot and integrate the Air Force, but he doesn't know yet. He believes he hates everyone, especially everyone in this family. However Dwain likes Olive, for sure. He's got this special tenderness and care towards her. She dreams of being the most beautiful girl in the whole worldand deadly wants to win the Little Miss Sunshine contest. She wears glasses and is not so fit, of course, but she's cute. GrandPa' makes her rehearse, for better or for worse. He's just begun to sniff heroin, because, he says « I would be a fool not to do it at my age ». He's quite an asshole and likes dirty magazines.


Now that I made the presentations, now that you know every one of them, let me tell you you'll love them. Little Miss Sunshine is this kind of comedy that makes you laugh in one second, sometimes through tears (the final scene is simply hilarious), and tears you apart the second after. All the characters are touching and endearing. Because of Olive and her Little Miss Sunshine contest, they get involve in a caravan trip to California. At this occasion, we see them (with delight) going through tremendous (often funny, sometimes dramatic, even tragic) events that finally make them stick together, show their love to each other, that save Frank's life, break Dwain's silence, relieve GrandPa' and free Richard. Never vulgar or heavy, the humour of the film is most exclusively based on comical situations. Tragic scenes and characters' feeling are treated with sensitivity and just enough derision. Because the film gives the impression of always being borderline, between laugh and cry, between ridicule and grace, the all thing acts as a therapy : a bubble full of fresh air and intense multiple emotions. You get out of here with a little smile on your face and head in the clouds.




Richard déteste les perdants. Il les voit partout et impose aux autres son exigence de victoire. Peut-être parce qu'il est tellement effrayé à l'idée de devenir lui-même un perdant, ou même d'être déjà l'un d'eux. Sa femme Sheryl est gentille. Elle ne cuisine peut-être pas très bien (pas le temps apparemment) , il lui arrive d'être intransigeante ("c'est hors de question!") , et pourtant... Elle doit gérer les souffrances et les aspirations de chacun et ce n'est pas si simple. Dans le fond, elle veut juste que tout le monde soit heureux. C'est la soeur de Frank. Frank a tenté de se suicider à cause d'un amour désespéré et d'un besoin désespéré de reconnaissance. Il ne cesse de répéter qu'il est le premier spécialiste de Proust des Etats-Unis mais personne ne l'écoute vraiment. Ils l'ont mis dans la chambe de Dwain, de sorte qu'il n'essaie plus de se tuer. Dwain ne parle pas, à cause de Nietzsche. Il veut devenir pilote et intégrer l'Air Force mais il ne sait pas encore. Il croit qu'il déteste tout le monde, et plus particulièrement tout le monde dans cette famille. Pourtant, Dwain aime Olive, c'est certain. Il éprouve une certaine tendresse envers elle. Elle rêve d'être la plus belle fille du monde et veut tant gagner ce concours de Little Miss Sunshine. Elle porte des lunettes et n'est pas si fine, biensûr, mais elle est mignonne. Grand-Père la fait répéter, pour le meilleur ou pour le pire. Il vient de se mettre à sniffer de l'héroïne, parce que dit-il "Je serais un bougre d'imbécile de ne pas le faire à mon âge". C'est un trou du cul et il aime les magazines cochons.

Maintenant que j'ai fait les présentations, maintenant que vous les connaissez tous, laissez-moi vous dire que vous allez les adorer. Little Miss Sunshine est une de ces comédies qui vous font rire en une seconde, parfois aux larmes (la dernière scène est tout simplement hilarante), et qui vous déchirent le coeur la seconde d'après. A cause d'Olive et de son concours, ils se retrouvent tous à voyager dans une caravane jusqu'à la Californie. Et nous les voyons (avec grand plaisir) vivre des événements extraordinaires et forts, qui finalement les font se rapprocher les uns des autres, qui sauvent la vie de Frank, rompent le silence de Dwain, soulagent Grand-Père et libèrent Richard. Jamais vulgaire, l'humour de ce film repose pour la plupart sur un comique de situation. Les scènes tragiques et les sentiments des personnages sont traités avec sensibilité et juste assez de dérision. Parce que le film donne l'impression d'être constamment décalé, à la limite du rire et des larmes, du ridicule et de la grâce, il a un effet thérapeutique : c'est une bulle pleine d'air frais, d'émotions multiples et intenses. Vous sortez de là avec un petit sourire sur les lèvres et le nez en l'air.

24 octobre 2006

The Queen

The Queen est un titre mensonger : le dernier film de Stephen Frears aurait dû s'appeler The Prime Minister. En effet, si dans un premier temps, le film dévoile ou imagine ce qui s'est passé dans la semaine suivant la mort de Lady Diana dans les coulisses de la famille royale, l'ambition réelle du film est de montrer comment le premier ministre de l'époque, Tony Blair, a tiré parti de cet épisode et a incarné le renouveau des valeurs et la modernisation exigés par tout un peuple.

Première scène, la reine se fait peindre le portrait en regardant les informations à la télévision, on y voit Tony Blair – Michael Sheen interprète remarquablement son apparente naïveté et sa véritable intelligence – porté à la tête du pays par le peuple anglais. Dans la scène suivante, la reine reçoit Tony Blair pour le nommer premier ministre. Ce n'est qu'après que survient l'accident mortel de Diana. Et l'on se retrouve plongé dans l'ambiance feutrée de la résidence de Balmoral, dans la chasse au cerf dans les domaines somptueux, dans ce mode vie complètement atypique qu'est l'étiquette royale, … qui contrastent avec les images d'archive de tristesse et de ferveur du peuple Britannique.

Alors oui, Helen Mirren joue à merveille une reine Elizabeth II dans le doute, entre rancœur et incompréhension, rancœur envers Diana la traîtresse qui a jeté au feu toutes leurs traditions et incompréhension des Britanniques, amoureux d'une femme qu'ils ne connaissent pas. Une reine fine d'esprit qui agit, qui ressent mais qui finalement ne vit pas dans le même monde, une reine plus à l'aise au volant d'un 4x4 que devant ses sujets, une reine qui ne vit que pour eux et qui est blessée au plus profond d'elle-même par leur désamour. Mais au final, c'est Tony Blair qui comprend les élans populaires, qui anoblit Diana « Princesse du peuple » et qui guide la reine à travers la crise.

En définitive, si The Queen retrace d'une façon passionnante la face cachée de la royauté tout au long de cette crise sans précédent, si pour la première fois, un film montre comment le drame de la mort de Lady Di a été vécu de l'autre côté du miroir, il met aussi le doigt sur un moment historique du Royaume-Uni, quand les Britanniques ont choisi la modernité et le changement : le jour où le peuple a élu Tony Blair.

05 septembre 2006

Le Vent Se Lève

Si Le vent se lève a connu une sortie médiatique en mai à l'occasion du Festival de Cannes, c'est fin août, une fois que tout le monde a laissé de côté ses occupations estivales et souvent légères, que la dernière palme d'or se dévoile au public. Les média dans leur ensemble avait salué le film comme un bon Ken Loach, poignant et fort comme attendu, mais n'en avait pas fait, pour autant, leur favori à la palme cannoise. Les spectateurs ont donc l'occasion d'appuyer le choix du jury ou de l'éviter sur leur passage, perpétuant ainsi la grande tradition des Palmes d'Or impopulaires.

Le vent se lève est le dernier film du réalisateur Ken Loach. En 1920, deux frères s'engagent pour libérer l'Irlande de la domination britannique et se retrouvent embarqués dans la violence et l'horreur. La violence des soldats anglais d'abord, celle du combat qu'il mène avec l'IRA ensuite, et en dernier lieu, l'horreur du choix, de l'engagement partisan et de ses conséquences. Pour parler de l'Irlande, Ken Loach s'est habilement appuyé sur l'Irlande. Les acteurs sont Irlandais – Cillian Murphy parfait dans son rôle d'intellectuel pris dans la tourmente - l'accent, les paysages, la brume sur les collines, les chants et les musiques sont irlandais. Tout sonne authentique et c'est bien là un des défis réussis par Ken Loach.

L'autre défi consistait à retranscrire la tourmente des cœurs et des tripes, à prendre parti pour ce qui est juste tout en laissant de côté la morale et finalement à émouvoir le spectateur. Et même si le film souffre de temps en temps de longueurs, c'est une réussite. On est complètement entraîné dans une ronde de sentiments ; la révolte tout d'abord, puis la peur, la revanche et enfin la tristesse. Il y a dans ce film des scènes poignantes à l'extrême qui vous laissent abattus ou révoltés - cette scène où un gamin est condamné à mort par ses propres camarades met les larmes aux yeux du plus endurci. Et à la fin, il ne reste que l'incompréhension, le sentiment de gâchis et au dessus de tout, une peine insurmontable.

Dans la salle pleine de ce cinéma parisien, il semble bien que le public soit conquis. Peut-être parce qu'il vient de voir un film accessible, fort et tout simplement beau. Et si le Festival de Cannes est souvent l'occasion de gratifier des films chiants destinés à un public d'intellos élitistes, Le vent se lève est tout le contraire, un film profond et ouvert à tous qui relustre les lettres d'or du cinéma, qui le magnifie et le remet à sa place, celui d'art populaire et immédiat. Cette année, au moins, le jury avait raison.

09 juin 2006

Il Caimano

Cérémonie improbable à la gloire de Mao, blonde assassine, zooms supersoniques sur cascades plastoches et répliques qui sonnent faux, on se croirait dans le retour de Red Is Dead. Nous sommes assis dans une salle de cinéma, le film (mauvais) se termine. Le personnage principal, Paolo Bonomo, en est le producteur, de celui-ci et de quelques autres estampillés "de genre" pour édulcorer "de série B". Des titres à dormir debout. C'est une rencontre, dès la première scène, un scénario donné presque de force, qui va nous faire passer de ces séries B justement à un film sérieux et dénonciateur sur Silvio Berlusconi. Et Paolo d'échanger lui-même un statut de guignol amuseur un peu rêveur contre une dimension grave, engagée, dramatique, et de nous toucher. La réalisation du film est à l'image de cette transformation de contenu. Les scènes d'action mal réalisées introduites comme avec maladresse vont laisser la place, progressivement et finalement à la sobriété d'un Nanni Moretti en Berlusconi, à Berlusconi lui-même en images d'archives. Le tout se fond avec le vrai film, enfin.

Ce serait pourtant réducteur que de ne voir là qu'une analyse du politicien italien. Cette oeuvre dépeint l'Italie toute entière, une Italie ridicule et fantoche à travers les yeux du Polonais, une Italie moderne à travers Teresa, une Italie qui se réveille, se regarde dans cette scène où les personnages contemplent leur chef d'état dans le poste de télévision, images d'archives, silence, regard en coin, constat; et essaie finalement de se battre, de se faire entendre. En vain? La fin de l'histoire n'est pas tout à fait désespérée. Le rêve commence à prendre forme. Pourtant le drame se joue encore, et les personnages se débattent toujours plutôt que vainquent.

Certains sont partis avant la fin, les imbéciles. Mais peut-être ne pouvaient-ils tout simplement plus supporter l'inconfort des fauteuils de ces petites salles parisiennes... Quant à moi je conseille, je recommande.

14 avril 2006

High Fidelity

Then... and now.

J'ai lu les premières pages, un chapitre ou deux. Je me suis faite une idée. Je me suis dit "ah oui, je vois le genre, trentenaire célibataire en pleine crise existentielle, qui nous fait partager ses déboires amoureux, ses doutes et ses angoisses d'homme moderne ou d'ado pas mûri...". J'ai craint que ce ne soit vide et vaguement ennuyeux. Mais rapidement l'affaire s'est corsée. Le loser s'est transformé sous mes yeux en connard égocentrique, en branleur incapable. L'intérêt a surgi, j'ai commencé à détester Rob.

Ce livre n'est pas glamour, bien qu'il parle d'amour. N'allez pas croire cependant qu'il est triste ou tragique, pour tout dire il est charmant et souvent drôle. Il est plein de détails, situations ou traits de caractères, décrits avec intelligence et justesse au milieu du flou d'une vision un brin désabusée et contemplative de la vie. Il est aussi plein de références culturelles, films ou chansons. La musique y est en effet affaire sérieuse, "What matters is what you like, not what you're like". Il ne s'y passe pas grand-chose, on pourrait presque croire que la fin de l'histoire nous ramène au point de départ. En effet Rob reprend goût à la vie et à l'action en revenant à ses anciennes amours. Pourtant qu'on ne s'y trompe pas, le cycle est rompu, le deuil de ses histoires d'ado et son ultime prise de conscience ont changé l'homme ("more of a man" se sent-il). On reconnaît ici ou là des personnages stéréotypés, dont les portraits sont brossés à la perfection. Les soirées de cadres où l'on parle de chiens, le sourire compatissant dans la queue du cinéma le dimanche, on s'y croirait, on partage le malaise. Les chapitres sont courts, comme en rappel de ces listes que Rob et ses amis passent leur temps à faire. Le style est efficace, délectable.

Finalement Rob est attachant, rêveur avec sa liste exhaustive de métiers favoris, pathétique quand il plonge dans l'herbe humide pour se cacher de son ex, angoissé à l'idée de révéler au public le top 5 de ses meilleures chansons qu'il n'arrive alors plus à établir, déçu par la femme, la vraie, alors que lui croyait à celle dévouée et admirative des films romantiques. Finalement je suis emballée.