11 janvier 2006

Match Point

Woody Allen met en scène une tragédie grecque et nous livre certainement l'un de ses meilleurs films. Deux superbes jeunes gens, Nola (la généreusement charnellement sensuelle Scarlett Johansson) et Chris (Jonathan Rhys-Meyers) se débattent ou se faufilent au sein d'une famille londonienne aristocrate et richissime. La star du film c'est lui, il est aussi le plus méchant des deux et le plus chanceux, sûrement parce qu'il sait mieux jouer au tennis.

On se laisse d'abord charmer par la beauté du cadre comme de celle des personnages. La composition des plans, Londres filmé par un oeil amouraché... on sent bien qu'un drame se profile, mais on se dit que peut-être, finalement, il s'agit d'un film d'amour. Non, il n'est pas question d'amour, il est question de passions, c'est une tragédie grecque je l'ai dit. Le sexe, les faux-semblants, le mensonge, la trahison même s'insinuent dans cette famille assemblée et maintenue par l'argent. Et c'est finalement l'argent, aussi bien que les convenances, qui triomphent, comme on aurait pu s'en douter, comme c'est souvent le cas. Pourtant ce film ne laisse pas une impression de déjà-vu ou de vanité, et ce pour deux raisons. D'une part parce que Woody Allen va au bout des choses. Il ne s'agit pas de préoccupations de petits bourgeois qui jouent à se faire peur mais bien, je le redis, d'une tragédie. D'autre part parce que Woody Allen est drôle et sait y mettre de son humour dans ses films. Et c'est ainsi que ce film, contre toutes attentes, fonctionne, à merveille. Les retournements de situation, de ton et de personnages sont orchestrés au bon moment, les clins d'oeils sont agencés exactement et font leur petit effet, on se délecte plus qu'on ne se révolte devant aussi peu de morale. Il y en a bien une de morale, elle est à deux sous et je ne vous la livrerai pas. Je vous conseille plutôt d'aller voir Match Point.

Je persiste à dire qu'en matière de remise en question du couple, d'immoralité et de subversion dans le registre amoureux, les films de Woody Allen sont, celui-ci comme déjà Anything Else, beaucoup plus beaux et jubilatoires qu'un minable et inutile Closer.

Good Night, And Good Luck

Certes Good Night, And Good Luck est un film engagé. Mais ne nous trompons pas, ce n'est pas un film politique. A quoi bon 50 ans après le Maccarthysme ? Une critique de la politique de sécurité intérieure de Bush ? Du pur marketing. Non, Good Night, And Good Luck est un film sur le rôle de la télévision et la déontologie du métier de journaliste. Ed Murrow - David Strathairn, extraordinaire dans son rôle de journaliste incorruptible, le visage dur comme la justice, toujours la cigarette à la main - lance l’accusation, forte et juste, au début :

"Because if they are right, and this instrument is good for nothing but to entertain, amuse, and insulate, then the tube is flickering now and will soon see that the whole struggle is lost."

et à la fin du film :

"This instrument can teach, it can illuminate; yes, and it can even inspire. But it can do that only to the extent that humans are determined to use it to those ends. Otherwise, it is merely wires and lights in a box."

Et le réalisateur, Georges Clooney – qui se contente d’un second rôle discret mais efficace - a su parfaitement mettre l’histoire en valeur : le noir et blanc et le jazz élégant des intermèdes de CBS nous plongent dans l’époque, la sur utilisation des gros plans met les hommes en évidence en même temps qu’elle suggère la confusion en cassant les repères. Et puis, l’esthétisme parfait des fumées de cigarettes.
McCarthy est habilement retranscrit à l’aide des seules images d’archives, le film est suffisamment court pour éviter la leçon de morale et garder un rythme soutenu. Un très bon film pour commencer l’année.