05 février 2006

Rois et Reine

Rois et Reine est un film d’Arnaud Desplechin, avec comme acteurs principaux Emanuelle Devos et Mathieu Amalric. Une fois qu’on a dit tout ça, on a déjà plus très envie de voir le film. On se dit que Desplechin c’est souvent prise de tête, étalage de savoir et avalanche de références, et par là même chiant. On a vaguement entendu parler de ce scandale avec Marianne Denicourt, on est peut-être intrigué. On pense à Télérama. Qu’à cela ne tienne.

Le film commence avec un monologue de Nora (Emmanuelle Devos) qui raconte un peu sa vie sur un ton qui sonne un peu faux. On ne sait pas trop, on est dubitatif. Pourtant très vite, il ne s’agit pas de réflexion superficielle et petite bourgeoise sur la vie, l’amour et les tracas de trentenaires (comment je me suis disputé ma vie sexuelle), voire cette fois quadragénaires. Il s’agit de survie. La mort, le combat, la folie, la monstruosité, ce film aborde tout cela de front, met en scène et révèle, en usant de monologues et de voix off, oui, en abusant de références, oui, en baclant les transitions, en balançant de l’image brute, oui, sans être chiant pourtant et sans qu’on s’ennuie, en nous prenant au tripes, en nous dégoûtant, en nous révoltant, en nous amusant même parfois, en nous touchant. Ismaël (Mathieu Amalric) est irrésistible, Nora (Emmanuelle Devos) est effrayante. On a peur d’elle et de plus en plus, de son invincibilité, de sa froideur victorieuse. Pourtant le point final que Desplechin appose à son film nous sauve et fait gagner la vie. Chacun a droit à son dernier mot.

Il y a d’abord cette longue séquence magnifique au musée de l’Homme, dialogue entre l’adulte qui monologue et l’enfant qui réagit. C’est touchant et juste. Chaque phrase tombe comme il faut, chaque formulation est sensible, intelligente. On y voit le symbole à la fois de la guérison et de la réconciliation. La dernière réponse, en apothéose, « Je ne sais pas ».

Puis c’est son tour à elle, avec un poème qu’elle déclame une fois, qu’elle reprend en y appliquant son expérience. Elle raconte toujours un peu sa vie, mais ça ne sonne plus faux. Finalement, Desplechin livre là un grand film, qui vous prend aux tripes, qui vous révolte et vous déprime avant de vous résigner au bonheur, qui fait son chemin encore bien après. Touchant, entier, exaltant.