05 septembre 2006

Le Vent Se Lève

Si Le vent se lève a connu une sortie médiatique en mai à l'occasion du Festival de Cannes, c'est fin août, une fois que tout le monde a laissé de côté ses occupations estivales et souvent légères, que la dernière palme d'or se dévoile au public. Les média dans leur ensemble avait salué le film comme un bon Ken Loach, poignant et fort comme attendu, mais n'en avait pas fait, pour autant, leur favori à la palme cannoise. Les spectateurs ont donc l'occasion d'appuyer le choix du jury ou de l'éviter sur leur passage, perpétuant ainsi la grande tradition des Palmes d'Or impopulaires.

Le vent se lève est le dernier film du réalisateur Ken Loach. En 1920, deux frères s'engagent pour libérer l'Irlande de la domination britannique et se retrouvent embarqués dans la violence et l'horreur. La violence des soldats anglais d'abord, celle du combat qu'il mène avec l'IRA ensuite, et en dernier lieu, l'horreur du choix, de l'engagement partisan et de ses conséquences. Pour parler de l'Irlande, Ken Loach s'est habilement appuyé sur l'Irlande. Les acteurs sont Irlandais – Cillian Murphy parfait dans son rôle d'intellectuel pris dans la tourmente - l'accent, les paysages, la brume sur les collines, les chants et les musiques sont irlandais. Tout sonne authentique et c'est bien là un des défis réussis par Ken Loach.

L'autre défi consistait à retranscrire la tourmente des cœurs et des tripes, à prendre parti pour ce qui est juste tout en laissant de côté la morale et finalement à émouvoir le spectateur. Et même si le film souffre de temps en temps de longueurs, c'est une réussite. On est complètement entraîné dans une ronde de sentiments ; la révolte tout d'abord, puis la peur, la revanche et enfin la tristesse. Il y a dans ce film des scènes poignantes à l'extrême qui vous laissent abattus ou révoltés - cette scène où un gamin est condamné à mort par ses propres camarades met les larmes aux yeux du plus endurci. Et à la fin, il ne reste que l'incompréhension, le sentiment de gâchis et au dessus de tout, une peine insurmontable.

Dans la salle pleine de ce cinéma parisien, il semble bien que le public soit conquis. Peut-être parce qu'il vient de voir un film accessible, fort et tout simplement beau. Et si le Festival de Cannes est souvent l'occasion de gratifier des films chiants destinés à un public d'intellos élitistes, Le vent se lève est tout le contraire, un film profond et ouvert à tous qui relustre les lettres d'or du cinéma, qui le magnifie et le remet à sa place, celui d'art populaire et immédiat. Cette année, au moins, le jury avait raison.